Conférence de Bernard Lecomte

16 Mar 2019 | Les activités en France

Le samedi 16 mars en début d’après-midi, au séminaire polonais d’Issy-les-Moulineaux, Bernard Lecomte a accepté l’invitation de Monseigneur Gawron et de Christiane Tomkiewicz à venir parler de son dernier livre « Le monde selon Jean-Paul II ».

En 4ème de couverture :

Qui ne se souvient des apostrophes fameuses de Jean-Paul II ? « N’ayez pas peur ! Ouvrez, ouvrez les frontières des États ! », « France, fille aînée de l’Église, qu’as-tu fait des promesses de ton baptême ? » Sans doute le pape le plus charismatique de l’histoire est-il aussi un des rares dirigeants de notre époque ayant eu une vraie vision du monde.

En vingt-six ans de règne (1978-2005), le pape polonais a tenu des propos – discours, homélies, déclarations, livres, encycliques – dans les domaines les plus divers : l’Église, l’Europe, le communisme, les droits de l’homme, le tiers-monde, les juifs, l’islam, le terrorisme, les migrations ou l’écologie… Le « pape du IIIème millénaire » n’a cessé de mener des combats difficiles, de marteler des certitudes dérangeantes, de lancer des appels émouvants et d’émettre, parfois, d’étonnantes prophéties. Quinze ans après sa mort, la lecture de ses propos provoque parfois l’étonnement, souvent l’admiration, toujours la réflexion. Qu’on l’admire ou qu’on porte sur lui un regard plus distancié, on sait que l’on a affaire à un géant.

Bernard Lecomte, ancien journaliste à La Croix, l’Express et au Figaro Magazine, spécialiste du Vatican, a publié de nombreux livres, dont une biographie de Jean-Paul II qui fait autorité.

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Le sujet de son livre étant très vaste, Bernard Lecomte a choisi de nous parler de la période de 1979 à 1989, faisant référence au 9 novembre prochain, date où sera fêté le 30ème anniversaire de la chute du mur de Berlin.

En juin 1979 Bernard Lecomte, envoyé spécial de La Croix en Pologne, a été « précipité subitement dans Jean-Paul II », alors que celui-ci revient pour la première fois dans son pays. Résistant, intellectuel, pasteur et polonais de Cracovie, Jean-Paul II sait ce qu’est une Nation, il l’avait vécue dans sa chair. Il connaît les Juifs, la guerre, le communisme ; homme de l’Est, il sait de quoi il parle. Jean-Paul II a réellement changé l’histoire de l’Europe vers la chute du mur et la fin du communisme. Beaucoup d’autres personnes ont également joué un rôle : Ronald Reagan, Mikhaïl Gorbatchev, Margaret Thatcher…

Quelques jours après son élection, le 5 novembre 1978, alors qu’il effectue son premier déplacement à Assise, Jean-Paul II est interpellé par une femme : « Très Saint-Père, n’oublie pas l’Église du silence ! » Réponse du pape, du tac au tac : « Il n’y a plus d’Église du silence puisqu’elle parle par ma voix ! », rappelait le père Vandrisse. Le pape polonais est bien placé pour savoir que des millions de chrétiens sont empêchés, pourchassés, enfermés, persécutés pour leur foi, notamment à l’Est de l‘Europe.

Pour lui le communisme est une parenthèse de l’histoire et l’Europe est accidentellement coupée en deux ; tout le monde avait signé en 1975 les accords d’Helsinki, même le Vatican, et Jean-Paul II annonce que cette parenthèse est provisoire… L’Eglise catholique est la seule structure, le seul institut qui peut faire le pendant ou qui peut s’opposer au communisme ; ils ont des structures équivalentes.

« N’ayez pas peur » : tous les chrétiens de l’Est ont entendu ce message. C’est le début d’une histoire. Lithuaniens, Ukrainiens, Catholiques Roumains… tous l’ont entendu car leurs régimes politiques généraient un régime de terreur.

Ce nouveau pape est progressivement découvert… Il n’a que des mots qui expriment ses valeurs : pas de char ni d’armée mais il parle de liberté, dignité de l’Homme, droits de l’Homme. Pour lui l’Homme est au centre de tout et c’est le contenu de sa première encyclique – Redemptor Hominis – qui est très subversive du point de vue politique puisque dans le régime communiste l’homme est un rouage de la machine sociale. Le communisme n’a pas d’avenir car il a oublié l’Homme.

Les mots de Jean-Paul II touchent même des athées (Bronislaw Geremek – Wieslaw Michnikowski – Vaclav Havel). Tous ces personnes pensaient que l’homme était le plus fort. Pour Jean-Paul II, la non violence est essentielle. Il a ainsi fédéré un corpus de valeurs : l’URSS est le pays du grand mensonge et le communisme le champion du mensonge.

Le 2 juin 1979 à Varsovie place de la Victoire – c’est un samedi – plus de 800 000 personnes sont sur la place – du jamais vu dans un tel régime – pour écouter un « bonhomme en blanc » parler non seulement dans la langue locale, mais des droits de l’Homme. Pendant une semaine Jean-Paul II va poursuivre ses discours sans s’inquiéter de la censure. Dimanche matin, il va à l’église Sainte Anne rencontrer les étudiants. Ils sont environ 200 000, tous avec une petite croix en bois.

En tant que correspondant de La Croix, Bernard Lecomte est sur place et comprend qu’il va se passer un changement historique. Dans l’assistance, nombreux étaient ceux qui enregistraient avec des cassettes qu’ils vont pouvoir ensuite écouter et réécouter.

A Cracovie dans le parc de Blonia, 1 200 000 Personnes rassemblées : c’était impensable dans un pays communiste.

Tout cela aura un prolongement en 1980, aux chantiers de Gdansk où le portrait de Jean-Paul II sera affiché. Solidarnosc qui fait référence à la Vierge Marie et au Pape, est le mot le plus prononcé par Jean-Paul II pendant son voyage. Le professeur Jozef Tischner – prêtre, aumônier de Solidarnosc – oppose dans « Ethique de Solidarité » la solidarité horizontale (lien entre les hommes) à l’autorité verticale du communisme.

En 1981, alors que la Pologne est en état de siège, en mars, une table ronde réunit pour des négociations les Partis, l’Église et la Société Polonaise (la Nation) représentée par Solidarnosc. Jean-Paul II a un peu forcé l’Église à incorporer le 3ème élément.

En 1987, arrivée de Mikhaïl Gorbatchev qui introduit la Glasnost et la Perestroïka. C’est la fin de la souveraineté limitée de Léonid Brejnev. Andrzej Drawicz, critique littéraire et militant de l’opposition démocratique, écrit des articles expliquant qu’il « se passait quelque chose ». Lors d’un 3ème voyage au Vatican, Wojciech Jaruzelski qui s’entend bien avec Mikhaïl Gorbatchev, assure Jean-Paul II de la sincérité de ce dernier. A partir de là Jean-Paul II va se tourner vers le Dialogue, vers le compromis.

En 1989 Solidarnosc va écraser le communisme. C’est la fin du goulag où les Catholiques gréco-orthodoxes, les ukrainiens, les Luthériens chrétiens ont le plus souffert pendant 45 ans.

Le 7 octobre 1989, Mikhaïl Gorbatchev est invité au grand défilé à Berlin Est, en présence d’Erich Honecker, et entend les jeunes communistes crier en passant devant la tribune « Gorba avec nous ». Erich Honecker est renversé et le 9 novembre le mur est démoli…

Pour lui, la chute du communisme était une des étapes du pèlerinage des peuples vers la liberté. Il l’a dit en janvier 1990, quelques semaines après la chute du mur de Berlin. Ce qu’il voulait dire, c’est qu’il fallait éviter que les libertés nouvelles ne provoquent des nationalismes exacerbés.

« Un long pèlerinage vers la liberté » : c’est ainsi que pape polonais a qualifié la lutte qu’il a menée, depuis son élection à la tête de l’Église, contre l’idéologie marxiste et le pouvoir communiste. Il n’a jamais mené de croisade contre le Kremlin, n’a jamais enrôlé les catholiques dans les partis politiques ni mené campagne contre le régime soviétique. Mais il a défendu, comme aucun pape avant lui, les droits de l’homme, la dignité de la personne, le principe de solidarité, au point de redonner confiance à des populations entières – en Pologne, en Hongrie, en Tchécoslovaquie, en Lituanie, en Ukraine occidentale. Le soutien tenace du pape au syndicat polonais Solidarité en particulier, a joué un rôle aussi important dans l’affaissement du communisme que les réformes lancées par Mikhaïl Gorbatchev au Kremlin…

(« Le monde selon Jean-Paul II », Bernard Lecomte)

« N’ayez pas peur » la formule est encore parfaitement actuelle. Ces quelques mots, qu’il prononce immédiatement après son élection en octobre 1978, résument tout ce que Jean-Paul II a voulu apporter. Il s’adressait bien-sûr aux peuples opprimés de cette partie d’Europe dont il venait lui-même. À ceux qui, derrière le rideau de fer, vivaient un régime de terreur. Il s’adressait aussi à tous les catholiques. Il les encourageait à ne pas avoir peur de l’avenir et des difficultés qui menaçaient l’Eglise dans un monde de moins en moins chrétien. Il s’adressait enfin aux hommes de son temps. Je pense que le message de Jean-Paul II n’a rien perdu de son actualité : N’ayez pas peur ! Ni de l’avenir, ni de l’Europe ! Nous sommes dans un monde qui tourne de plus en plus vite, qui semble de plus en plus hostile. Je pense que Jean-Paul II nous dirait aujourd’hui que nous allons surmonter notre peur, et que l’Europe surmontera sa crise actuelle. Elle le peut. Elle a toutes les ressources spirituelles, culturelles et humaines pour cela. C’est tout ce que le pontificat héroïque de Jean-Paul II a prouvé !

(Bernard Lecomte à Aleteia dans un interview sur « Le monde selon Jean-Paul II)

Christiane Vincent-Méalin
d’après les notes de Christiane Tomkiewicz

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