Entretien avec Piotr Adamczyk

Piotr Adamezyk a fréquenté l'Académie Théâtrale de Varsovie, boursier de l'Académie de Londres, il a obtenu plusieurs prix. Il a débuté avec le rôle de Chopin dans le film "Chopin. Désir de l'amour" de Jerzy Antezak. Il a interprété divers rôles théâtraux et cinématographiques. Il s'est fait connaître à Rome dans le spectacle "Les Emigrés" de Slawomir Mrozek, réalisé par Fabio Omodei, pendant le Festival du Théâtre à Rome en 2007.

Qui est pour vous Jean-Paul II ?

Quelqu'un de très important. Sa présence m'accompagnait toujours. Je me rappelle le jour de son élection. J'avais 7 ans et je me suis rendu compte que ce prêtre habillé en blanc était le plus important prêtre du monde. Sur les reprises de Rome, j'ai vu un monde en couleurs, si différent de celui où je vivais, gris et triste, avec les magasins vides. Je me souviens du premier pèlerinage du Pape en Pologne pendant lequel j'ai senti que rien ne serait plus comme avant. Interpréter le rôle de Jean-Paul II après plusieurs années m'a permis d'approfondir la connaissance de sa vie et mon amour pour lui a grandi. Encore aujourd'hui je n'arrive pas à employer le temps au passé, quand je parle de lui je dis souvent «est» et non «a été». Jean-Paul II est l'homme qui a changé non seulement l'histoire de la Pologne. Il est une grande autorité pour tout un chacun, peu importe l'âge, la religion, la foi et l'opinion. Pour beaucoup de personnes, Jean-Paul II est "l'homme de la porte d'à côté", d'autres disent "un homme de bien". D'après ce que je sais, les Musulmans qui l'ont rencontré, l'appelaient "l'homme seul" qui combattait pour la paix sans que personne ne l'écoute... Sûrement, ce Pape était un exemple pour nous tous. Pendant sa maladie, mon grand-père voyait en Jean-Paul II l'exemple de la résistance à la douleur et de la force pour dépasser ses faiblesses. Il semble qu'on va découvrir encore une fois son enseignement et entendre ses paroles. Parmi les poésies et les livres écrits par Karol Wojtyla quel est celui que vous préférez ? Quand j'observais les gens qui entouraient Jean-Paul II, j'avais l'impression que sa présence, sa proximité, les émerveillait à tel point qu'ils ne se rendaient pas compte de ce qu'il disait. Après sa mort, nous avons découvert le sens de ses paroles, auparavant nous étions pris par l'émotion. Son charisme attirait les gens mais il paraît qu'il mettait dans l'ombre son message. Je ne peux pas choisir un poème préféré.

Cela dépend de mon état d'âme. Parfois, je préfère lire Triptyque romain plus que Devant la boutique de l'orfèvre. J'ai eu à faire avec ses œuvres lors de mon travail. Dans le film de Krzysztof Zanussi j'ai récité Frère de Notre Dieu basé sur le drame de Karol Wojtyla.

Comment vous êtes-vous préparé pour interpréter le rôle de Karol Wojtyla?

Personne ne pouvait s'imaginer de voir sur le grand écran Karol Wojtyla. Cela devait être une interprétation la plus fidèle possible. Montrer Jean-Paul II comme on se le rappelle et Karol Wojtyla que l'on ne connaît pas. La première partie décrit le monde du jeune Karol, nous l'avons tournée quand Jean-Paul II était encore avec nous, nous avons donc travaillé pour lui... Il a été le spectateur le plus important. Je ressentais une grande joie, je voulais surprendre des petites choses et des petits gestes que personne n'avait jamais notés auparavant. Quand je parlais avec ses amis encore vivants, ses étudiants, je recueillais tout ce que je pouvais tentant à « dérober » au moins un détail qui n'avait pas été présenté dans sa biographie, par exemple dessiner avec une cuillère sur la nappe pendant une conversation à dîner. Les gestes qui ne se trouvaient pas dans sa biographie! La cohérence de sa vie m'a toujours impressionné. Comme si dès les premières années de son existence, il aurait connu son propre destin. je pense qu'au début ce fut l'histoire de la Pologne qui l'a influencé; ensuite ce fut Jean Paul II qui a influencé l'histoire du monde.

Et la seconde partie ?

La seconde partie du film s'est avérée un grand défi, en augmentant la difficulté de mon travail, vu que j'ai du interpréter le Saint-Père, comme on l'avait connu. Le chemin qu'on a choisi avec le metteur en scène lut l'interprétation non l'imitation. On a voulu repeindre Jean-Paul II.

Chaque acteur a son rôle particulier qu'il a interprété et grâce auquel il est reconnu des spectateurs. Vous n'avez pas peur que dans quelques années vous ne soyez identifié qu'avec le rôle de Jean-Paul II ?

Cette identification me fait grand honneur mais me donne aussi une responsabilité, les gens me trouvent parfait et je ne le suis pas. Voilà un paradoxe du métier de l'acteur! D'une part, le public veut voir l'acteur dans son interprétation préférée, de l'autre, il apprécie le lait que l'acteur change. Le public, après ma participation au film dédié à la vie de Karol Wojtyla, attend de moi une spiritualité toute particulière, et moi, je n'étais qu'un moyen pour rappeler ce grand homme. Le film est évangélique, renforce la foi, explique beaucoup de problèmes. J'en suis conscient aussi quand je rencontre des personnes dans la rue qui ne sont pas croyants ou qui professent une autre religion. Un jour, une dame qui s'est déclarée non croyante m'a confessé qu'après avoir vu notre film, elle avait compris que la loi peut donner de la force... Je me rends compte que le destin m'a offert une possibilité de faire quelque chose d'important. Pour dire la vérité, auparavant je pensais que mon métier était peu sérieux.

Quel est votre rapport à la foi ?

Père Twardowski a écrit un poème qui parle de la "petite" foi :

Ma foi de la 3ème b

depuis toujours

proche ou lointaine

Quand dans l'église il y avait un silence tel qui s'est fait obscurité

Et à la maison toujours le même traintrain

Quand saint Antoine toujours bien sculpté avec sa frange

trouvait les clefs perdues...

Quand je me préoccupais de l'enfant Jésus afin qu'il ne tombe malade

sinon la communion allait mal...

Quand je dessinais le diable sans cornes - parce que féminin. J'aime bien penser à ce petit Enfant Jésus. Je crois que ma foi est très simple, sincère, infantile et donc plus belle. J'apprécie l'intimité de la foi.

Tout le monde attend à ce que l'Eglise proclame Jean-Paul II saint. Avez-vous votre saint préféré ?

Devant ma maison, construite par mon grand-père, il y a une chapelle à saint Antoine de Padoue. Il est le premier saint que j'ai connu, que je priais, en demandant son intercession, même dans les cas de problèmes moins sérieux et j'ai l'impression qu'il m'a toujours aidé. Puis, au théâtre, j'ai interprété le rôle de Saint Antoine, l'ermite.

Le thème de la sainteté est une matière très intéressante. Jean-Paul II a béatifié et canonisé tant de personnes, ayant souvent été contesté pour cela. Toutefois, il a démontré que chacun doit essayer d'arriver à la sainteté, d'imiter les saints. Ils vivent au milieu de nous. L'Eglise peut béatifier et canoniser seulement après la mort mais nous avons tous la conviction que Mère Thérèse était déjà sainte de de son vivant, comme d'ailleurs Jean-Paul II. Ce "sceau" de la sainteté est un geste formel de l'Eglise. Nous, avec notre conscience et certitude, nous les appelons "saints".

Aleksandra Zapotoczny

Source : Totus Tuus